On est tous excités bien avant d’apercevoir les gorges. En arrivant de La Palud, par la petite route qui serpente vers l’Escalès, le ton est toujours joyeux. Le projet du jour ? Qu’importe… aujourd’hui c’est ambiance Verdon. Sitôt descendus de voiture, on se précipite vers le belvédère. La vie passe alors à la verticale. Déjà les yeux scrutent les fissures, les dalles bombées et autres piliers de l’immense paroi. 300m de vide, c’est toujours saisissant.
Partir légers, baudrier et casque mis. Laisser les dégaines chanter, la corde sur l’épaule, déjà prête pour les rappels. Dernières vérifications du matériel. Un peu d’eau, du strap, couteau et ficelou au cas où, quelques coinceurs, … le premier rappel est marquant, surtout les matins frais quand le fond du canyon est encore noyé de brouillard. 7 ou 8 rappels, se laisser glisser au cœur de la faille. Bien, y’a plus qu’à remonter ! Trouver le départ de la voie en jouant le sanglier dans les buis, relire le topo. Qui part le premier ?
On le sait déjà, on partage une aventure qui restera gravée en nous. L’histoire commence, chaque fois différente. Se coincer dans une fissure toujours trop large, faire le grand écart entre des vagues cannelures, grattoner sur des dalles à goutte d’eau. Ici la nature est forte. Le calcaire gris, le soleil qui chauffe, l’eau qui gronde dans le fond des gorges, les éléments se combinent et nous émerveillent. En une dizaine de longueurs, on a le temps d’en profiter. Le relais permet une pose de l’esprit, et même si on reste vigilant, on profite du panorama. Assis sur un genévrier centenaire, adossé au fond d’une grotte, ou suspendu au milieu d’une dalle, le temps est alors à la contemplation.
dans Pichenibule
Heureusement, pas besoin de trop parler ; de toute façon les mêmes phrases reviennent régulièrement dans la journée, et à chaque sortie. Le célèbre Ouahhh, c’est bôôô !!! est le plus fréquent, suivit de près par Oh P… j’suis mal, fais gaffe. Puis la paire Donne du mou !!! et Attends, y’a des nœuds !!! Les expressions sont partagées par les cordées. Et ceci quel que soit le niveau. N’oublions pas les classiques On aurait dû prendre un peu plus d’eau et J’en peux plus de ces chaussons ! Car si la grande voie enrichi le grimpeur, elle appauvrit ses capacités de communication.
Votre cordée est bien rodée, les manips s’enchaînent… Puis ce brusque changement de dimension. Vous sortez enfin sur le plateau, regard brillant et sourire béat. Mais vous aurez sûrement la chance d’avoir un bonus émotionnel avec des vautours qui tournoient au gré des vents, ou une biche débusquée sur le chemin du retour. Avec les repères horizontaux, votre capacité à faire des phrases revient peu à peu. Le soleil va lentement se cacher, et une belle soirée se profile, remplie de toutes ces émotions vécues. Mais d’autres projets naissent déjà… et si on restait ?