Le grand style, c’est pour aujourd’hui ! Vous entrez dans le monde de l’escalade ? Vous voulez impressionner les copains ? Vous avez repéré la petite blonde du groupe ? C’est certain, vous avez décidé de vous la péter. L’escalade peut vous aider.
L’attitude
Au pied des voies, c’est la classe : Short surfeur et tatouage tribal, assorti d’une doudoune en plumettes de chez Mord Fesse ou Sport y va. Fini le collant fluo et le bandana dans les cheveux. Et ne pas oublier les tongs. Le but est de se faire remarquer : On parle fort, on conseille et on vanne. Vous vous imposez comme le patron, l’incontournable de la falaise. Et en vous équipant, laissez toujours quelques coinceurs surgir de votre sac, pour jouer le grimpeur aventurier qui revient d’un big wall en Patagonie. Bref, la discrétion c’est pas pour vous.
Ça y est, vous grimpez : Certains diront que l’escalade doit être un moment de communion avec le minéral, et que le respect d’un silence contemplatif doit être la règle. Que nenni ! On est là pour épater la galerie. Vous êtes donc priés de hurler aussi fort que vous le pouvez à chaque mouvement un peu difficile. Si le mouvement n’est pas compliqué et que vous êtes dans un 6a, débrouillez vous pour le passer de la manière la plus acrobatique possible. Vu d’en bas, vous devriez ressembler à Chris Sharma, un pape du hurlement viril. Mais attention, un avant-bras qui tétanise avec la dernière dégaine deux mètres sous vos pieds, et vos cris de bête sauvage risquent fort de monter de plusieurs octaves… et se transformer en miaulements de chaton apeuré. Vous perdriez toute crédibilité.
Le vocabulaire
Outre le vocabulaire obligatoire lié à la pratique (du mou, sec, …) vous devez suivre l’évolution des modes. Même si vous grimpez entre le sissa et le sibé, affirmez que vous êtes presque dans le sept (mais aujourd’hui les conditions ne sont pas favorables… trop humide !). Evitez les vieilleries du type « la varappe est un jeu plaisant, j’ai réussi l’enchaînement athlétique au deuxième passage ». Préférez « dément, j’suis une machiiine, j’ai croité en 2 runs ».
N’hésitez pas à utiliser un vocabulaire riche et détaillé, ça épatera la galerie. Par exemple oubliez « cette prise fait mal ». A remplacer par « le bord extérieur du bi doigts inversé est traumatisant lorsqu’on verrouille pour aller chercher le plat suivant »…
Encouragez avec des à muerte, racontez vos big fly, partagez votre dernier trip sur un spot majeur… D’accord vous allez vite lasser les vieux renards des falaises, mais eux on s’en fout. Votre priorité, c’est la petite blonde du groupe…
Vieilles histoires
Tel un le vieux guerrier, vous avez toujours une histoire à raconter. Vraie ou fausse, personne ne le saura. Ou bien racontez l’histoire hallucinante d’un copain très proche. D’ailleurs vous auriez dû partir en expé avec lui, mais il y a eu ce malheureux contretemps… L’art est d’épater la galerie. Avec un peu de tension dans la voix, laissez planer le suspens avant le dénouement, ça paye. Vous avez réalisé un enchaînement extrême (pas la peine de préciser que c’était en 6a), ou vous avez tenté de libérer une vieille voie d’artif sur pitons rouillés et branlants. Sans oublier d’étaler votre ineffable bonheur calcique de grimper les classiques du Verdon. Les veillées-grillades doivent tourner à votre avantage. Et n’oubliez pas, l’important n’est pas d’avoir beaucoup grimpé, il faut surtout beaucoup en parler.
Faire des sales blagues
Vous êtes le roi de la falaise, au dessus du lot des grimpeurs de base, alors tout est permis. Pour affirmer votre rang, rien ne vaut les sales blagues. Lorsque vous assurez, commencez à tester l’équilibre psychologique du grimpeur en lui demandant (lorsqu’il est bien haut) s’il a bien vérifié son nœud, ça va le faire douter. Autre tactique, dites d’une voix stressée « Attends, je crois que j’ai mis le grigri à l’envers ! ». A sa descente, profitez de la situation avec une tirade sur le contrôle de soi. Et si votre victime travaille une voie dure, laissez 2 mètres de mou en plus, il se rappellera de son vol ! Une autre blague qui va bien énerver votre partenaire : dans la section rési de la voie, bloquez sa corde au moment où il a besoin de mou pour clipper. Effet garanti. Vous pourrez rétorquer que vous, au moins, vous avez de l’humour. L’ultime blague, attachez l’appareil d’assurance (bloqué) à un arbre et allez boire un coup avec la petite blonde. Le grimpeur n’aura plus de mou et sera obligé de sauter. Le top.
Conclusion
Voilà, vous êtes fin prêt à affronter les falaises les plus peuplées en paradant, sûr de vous et de l’effet que vous produirez sur les néophytes, même si vous plafonnez dans le 6a. Mais sachez que ce jeu ne sera pas éternel, et que les grimpeurs chevronnés vous démasqueront rapidement. Pour continuer à frimer, il ne vous restera plus qu’à enchaîner les 8a sans trembler…